Pour qui? Pour quoi?


A peine arrivée, j'ai eu envie de rédiger et d'illustrer nos découvertes et notre nouvelle vie. Pour ceux que ça intéresse, mais aussi pour nous, des fois que nos mémoires nous jouent des tours.

samedi 20 juillet 2013

Les Russes de la Concession française de Shanghai


La cathédrale de Xinle Lu, maintenant vide,
à la recherche d'une nouvelle destinée
La Concession française, c'est notre environnement, notre quartier, c'est "la maison". Au moment de rechercher notre troisième domicile, nous n'avons même pas envisagé d'aller habiter ailleurs. De la Concession française, j'en ai parlé en août 2011, en retraçant un peu de sa riche histoire. Il y a cependant un aspect que je n'ai pas abordé.

Avant 1920, le quartier français était assez vide et pas si français que ça. On y trouvait quelques shikumen habités par des Chinois et une pincée d'étrangers dans ce qui était alors à peine une banlieue. Et puis la vie dans la Concession a explosé. En moins de 10 ans, un millier de commerces se sont établis, des institutions culturelles, et toute le dynamisme qui les accompagnait, la ville française était née, la ville française était russe!

Harbin, tout près de la Russie
Les Russes ne sont pas arrivés en Chine par goût, ils fuyaient la révolution bolchévique de 1917, la famine et la guerre civile. Ils se sont d'abord installés à Harbin, puis, menacés par l'occupation japonaise de la Manchourie, ils sont arrivés à Shanghai. Ils faisaient partie de la classe moyenne, enseignants, ingénieurs, militaires, bijoutiers, qui parlaient un peu le français.

Le cinéma Cathay sur l'ancienne Avenue Joffre
Les militaires devenaient policiers ou gardes du corps, les gangs locaux étant déjà bien implantés. Les autres ont ouvert leurs petites entreprises, il y avait de la place dans la Concession et les banques étaient généreuses. L'Avenue Joffre (Huaihai Lu) était devenue une rue marchande au centre de ce qu'on appelait alors "le petit Moscou" : boulangeries, barbiers, cafés, photographes, pharmacies et magasins de mode offraient leurs services à la diaspora russe et attiraient d'autres étrangers. On y mangeait du bœuf Stroganoff, on y buvait de la vodka, on s’imprégnait de la mystérieuse âme slave.


Les musiciens russes jouaient dans les orchestres de la ville, les théâtres offraient des opéras russes et des spectacles de ballet. Dans les années 30 et 40, la musique à la mode n'était cependant pas russe, mais américaine, du jazz interprété principalement par des musiciens russes.






Les communautés britanniques, américaines, françaises ou japonaises étaient en majorité composées d'hommes, la communauté russe comprenait une part égale d'hommes et de femmes. Elles enseignaient les danses de salon à la mode, le chant, le piano et les mathématiques. Les couturières, plus chères et moins rapides que leur consœurs chinoises, créaient toutefois des modèles plus modernes, mieux adaptés aux besoins des expatriées. Mais "l'industrie" qui employait le plus de femmes russes était la prostitution, une Russe sur quatre s'y adonnait occasionnellement ou régulièrement.


Les Russes se sont installés sur des rues aux noms français : Rue Corneille (Gaolan Lu), Terrasse Verdun (Lanes 39-45 Shaanxi Nan Lu), ... A la fin des années 30, ils étaient 27000,  représentant le plus grand groupe d'étrangers à Shanghai.


En 1941, les troupes japonaises ont fait leur entrée en ville, puis les troupes américaines en 1945, revitalisant Shanghai en apportant de l'argent frais. Mais ce boum a été de courte durée. Les Russes ont anticipé le changement de 1949 et ont préparé leur départ, le communisme, ils connaissaient. Les ingénieurs, les médecins et les constructeurs qui avaient étudié à Shanghai ont pu obtenir des visas pour l'Australie, les États-Unis et la France.  Un quart des résidents russes de Shanghai sont repartis en URSS.


Adapté d'un article de City Weekend de Katya Knyazeva. Photos n/b du même article.

mardi 16 juillet 2013

Vente de lait maternel sur Internet


 
Je sais bien qu'ici tout se vend, tout s'achète. Il y a tout de même quelques produits qui me laissent sans voix. Celui du jour est le lait maternel. En cherchant des photos sur Internet, je dois bien me rendre à l'évidence, le commerce de lait maternel n'est ni bien neuf, ni chinois, des mères qui mettent leur surplus à la disposition d'autres mères pour leurs petits, ça existe sur toute la planète. J'ai même trouvé un article de 2011 qui relatait la brève vie de la glace "Baby Gaga", faite avec du lait maternel en Angleterre et vite retirée du marché pour raisons sanitaires.


En Chine, on peut bien sûr faire appel à une donneuse de lait. Ce qui diffère, me semble-t-il, est que les nantis ne le refilent pas à leur rejeton, mais le consomment eux-mêmes, doutant de la qualité du lait de vache. Il paraît que c'est drôlement efficace pour retrouver ses forces et sa santé après une opération.


Sur taobao.com, la plateforme de vente en ligne, les emballages de 250ml se vendent  40 yuan, 15 fois plus que le lait de vache local. Sans savoir si la laitière est forcément plus saine que les vaches dont on craint le lait !


vendredi 12 juillet 2013

Autour du sceau

Nous sommes sur le point de déménager, rien de bien exceptionnel puisque ce sera notre troisième appartement. Nous avions l'impression d'avoir acquis une certaine expérience, trois ans à Shanghai, nous sommes à l'abri de surprises.

Revenons quelques instants aux expériences précédentes :
On se rend compte que trouver un appartement, puis entreprendre les démarches est propre à une culture, à ses habitudes et pratiques. Rien de bien exceptionnel, rien n'aurait dû nous étonner. Je reviendrai à une autre reprise sur nos recherches et l'élu de notre cœur. Aujourd'hui, ce billet est plutôt sur les usages locaux et le constat que je n'y comprends rien. Certainement comme tous les étrangers, expatriés, déplacés, réfugiés, partout dans le monde. Je peux observer, pas absorber.

Nous avons jeté notre dévolu sur un appartement dans notre quartier il y a environ un mois. Nous étions tous tout joyeux, les dames de l'agence, réputée sérieuse, les représentants des propriétaires, réputés sérieux, nous, jugés agréables par les précédents. Le contrat pouvait donc être préparé pour être signé par l'entreprise qui emploie Fred et les propriétaires.



Oh, bien sûr, il y a eu quelques amendements à la version de base de part et d'autre, banal. Et puis, comme nous approchions de la date de la remise des clés, des soucis ont surgi : Qui est le propriétaire ? Est-ce que la procuration pour son représentant est signée par un notaire de Hong Kong appointé par le gouvernement chinois ? Pourquoi l'entreprise n'a pas l'original de cette procuration ? Est-ce que le Département administratif des baux de Shanghai va reconnaître ce bail boiteux ?

C'est devenu de plus en plus complexe : Pourquoi la personne du côté des propriétaires qui a signé le bail n'est pas celle qui a signé la procuration ? Et puis un lueur d'espoir, le propriétaire allait venir cette semaine à Shanghai et tout serait réglé. Il ne doit pas être venu, car rien n'est réglé. Par contre, il suggère que nous prenions tout de même possession du lieu en proposant un amendement supplémentaire au contrat : La partie A (lui) fournit une lettre notariale officielle et originale dans les 20 jours suivant la signature du contrat. Si ce n'est pas le cas, le bail sera annulé. Et nous à la rue !

Entre un propriétaire mystérieux et un responsable administratif intransigeant, nous nous sentons coincés. Il faut relever ici que la clé de l'histoire est le sceau, le fameux sceau rouge que l'on trouve sur tous les documents officiels, sans lequel rien n'est légal. Sur une copie de document, il pourrait être faux, d'où l'importance d'avoir un original, ça, je l'ai bien compris.








Pour éviter de dormir sous les ponts, hier Fred a mis en place un plan B, contacter une autre agence dans l'urgence. Réponse quasi immédiate, oui, ils ont des appartements qui pourraient nous convenir. Chouette, nous ouvrons fébrilement les images. Surprise, sur quatre propositions, deux d'entre elles sont dans l'immeuble où se trouve notre éventuel futur (ex?) appartement, une autre dans un autre immeuble et les décos nous font présager que le propriétaire-fantôme doit être le même !










Mêmes lampes, mêmes sofas,
mêmes styles de tableaux
Et la quatrième proposition ? Il y a de quoi rire, c'est le même appartement que le nôtre actuellement, deux étages plus bas. Et quand je dis "même",  je veux dire qu'à part l'étage, tout est semblable selon ce qui figure sur Internet, ce qui signifierait que nous aurions à nouveau les propriétaires que nous voulons fuir !

Chez nous, quand c'était tout neuf
et impersonnel
La nouvelle offre. Bon, d'accord, nous
n'avons pas la peau de bête, mais sinon
nous reconnaissons les meubles !












Incroyable que dans une si grande ville nous tournions pareillement en rond. Espérons qu'une solution sera trouvée jusqu'à dimanche !

lundi 1 juillet 2013

Décoder la Chine par la photographie I : Cixi

Cixi avec des tubes pour protéger ses ongles (Xunling)

Peut-être qu'on se souvient d'un billet sur Bruno Barbey de début février 2013 à la suite d'une visite à la Galerie Beaugeste. Comme il n'y a pas de hasard, nous avons reçu une invitation :

SwissCham Shanghai is delighted to invite you to:
中国瑞士商会诚挚邀请您
How to decode contemporary China through the history of Chinese photography
 By the art director of Beaugeste Gallery Mr. Jean Loh

Jules Itier
Jules Itier




























Nous avions aimé son enthousiasme et l'étendue de ses connaissances qu'il avait partagées avec nous, nous avons donc répondu positivement à l'invitation.
 
Ellen Thorbecke
Il avait structuré sa présentation en trois parties, je vais en faire de même pour éviter l'indigestion. Il nous a également indiqué que trois femmes ont offert aux photographes de leur époque l'occasion de briller et de les faire briller. La première d'entre elle est l'impératrice douairière Cixi.

Felice Beato
L'histoire de la photographie en Chine trouve ses origines tout de suite après la création même de la photographie en 1838. C'est d'ailleurs une époque où bon nombre de photographes européens débarquèrent à Macao.

John Zumbrun
Au cours des années 1850, plusieurs photographes occidentaux eurent l'idée de s'unir pour fonder divers studios photographiques implantés dans les villes près des côtes, mais très vite, ils rencontrent différents obstacles avec leurs assistants chinois et la prépondérance de la concurrence locale.

Lang Jinshan
Lang Jinshan
Vers la fin du XIXe siècle, une très grande partie des principales villes du pays disposaient de studios photographiques dans lesquels la catégorie de la population moyenne de la Chine obtenait la possibilité de se faire tirer le portrait, notamment au lors des grands rassemblements familiaux. Les photographes chinois, autant que les artistes occidentaux, rivalisaient d'ingéniosité pour immortaliser le quotidien des rues, en soulignant les éminents conflits, en capturant les personnages importants. Ce qui fait que beaucoup de Chinois disposant d'un revenu assez élevé se prêtèrent au jeu de la pose et finirent par adopter la photographie an guise de passe-temps. Même l'honorable impératrice douairière Cixi demanda à être photographiée à raison de plusieurs fois dans l'année.

Sydney Gamble
D'autres informations se trouvent sur

Zhuang Xueben

Sam Sanizetti